Au-dessus de la porte d’entrée trône une figure de pierre qui semble scruter et se moquer des visiteur·euse·s. Elle fait partie de l’architecture expressionniste du bâtiment situé à la Kalkbreitestrasse à Zurich, qui abritera encore le cinéma Uto jusqu’à la fin du mois de mars 2024. Ainsi, peu avant son centenaire, le cinéma met fin à son exploitation. Il avait ouvert en 1926 avec la projection du premier film pour les habitant·e·s du quartier, principalement issu·e·s de la classe moyenne inférieure.

Depuis lors, la salle est restée en activité, changeant de locataire à plusieurs reprises. En 1968, elle a bénéficié d’une rénovation et a adopté le nom qui lui est resté jusqu’à ses derniers jours. Elle a également affiné son profil en proposant une programmation diversifiée, comprenant des films d’auteur et des rétrospectives. À partir de 2013, le Kino Uto a rejoint le groupe Arthouse Commercio Movie, qui gère d’autres cinémas à Zurich, dont l’Alba, situé à l’entrée du quartier du Niederdorf. Ce dernier a fermé ses portes à la fin de l’année dernière pour des raisons de rentabilité.

Franziska Thomas, directrice générale d’Arthouse Commercio Movie AG, explique que l’entreprise aurait souhaité prolonger le bail du Kino Uto. « Nous étions en étroit contact avec la propriétaire de l’immeuble, et la poursuite de l’exploitation du cinéma semblait très probable », ajoute-t-elle. Mais il n’en a pas été ainsi. Franziska Thomas suppose que l’annonce de la faillite du cinéma Kosmos à Zurich au moment des négociations a pu influencer la décision de la compagnie d’assurance PK Rück. Cette dernière, propriétaire de l’immeuble depuis 2016, a justifié sa décision en ces termes : « Un cinéma sans exploitation gastronomique n’est plus viable. Les travaux de construction nécessaires pour un tel concept ne respectaient cependant pas les directives de la préservation du patrimoine », explique la directrice générale Regina Knöpfel. « Une pétition lancée en mars 2023 pour sauver le Kino Uto n’y changera rien », ajoute-t-elle.

Après une rénovation complète au cours des deux prochaines années, qui doit préserver le caractère Art déco du bâtiment, le rez-de-chaussée devrait être à nouveau loué à un·e acteur·trice du monde culturel. La question de la survie de la salle de cinéma reste pour l’instant sans réponse. « La durabilité, l’engagement social et une approche partenariale sont les piliers de notre culture d’entreprise. Cela inclut une offre de logements abordables ou la création d’un lieu dédié à la culture et à la rencontre », ajoute Regina Knöpfel. Avec cette déclaration plutôt vague, PK Rück renvoie à l’été, période à laquelle le nouveau locataire devrait être connu.